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Ils sont trois à se retrouver dans un lieu inconnu : un journaliste, une employée des Postes et une jeune mondaine, parfois sous le regard déconcertant d’une sorte de maître d’hôtel. Quels rapports ont entre eux ces trois personnages qui vont devoir cohabiter dans un contexte
dont ils ignorent tout ? Progressivement, chacun va lâcher des bribes d’existence, tenter d’expliquer ce qu’il est, ce qu’il a vécu, ce qu’il a fait et pourquoi... En toute sincérité ou de mauvaise foi ? Mais peut-on éplucher sa vie en toute sincérité sous le regard des autres ? Et l’idée qu’on se fait de soi correspond-elle à l’image que nous renvoient les autres ? Confrontées à leur passé tumultueux, les personnalités vont se révéler au fur et à mesure des récits de leur existence et vont provoquer bien des surprises...
« L’enfer, c’est les autres »
Avec cette célèbre réplique, cette pièce a fait le tour du monde et donné lieu à de multiples pistes de lecture. Si elle s’inscrit évidemment dans la théorie existentialiste de Sartre, elle n’y est pas enfermée et ce n’est pas parce que son auteur était un philosophe que Huis clos doit être considérée comme une œuvre hermétique et purementintellectuelle. Bien au contraire. Non seulement ses personnages sont très humains, très incarnés, mais l’idée maîtresse qu’elle véhicule est finalement simple et accessible : les autres nousrendent la vie infernale, non seulement parce qu’ils nous empoisonnent l’existence par des comportements qui ne nous conviennent pas, mais parce que nous sommes dépendants de leurs jugements, sur lesquels, le plus souvent, nous nous construisons. D’où l’importance de notre liberté, de notre responsabilité et de ne pas se reposer sur une illusion de soi ou la négation de notre réalité.
Sartre comique ?
Cette pièce est en quelque sorte une satire féroce de la condition humaine. « J’ai voulu montrer par l’absurde l’importance de la liberté », disait Sartre, qui situait sa pièce à la frontière entre la comédie et la tragédie. Car à travers cet absurde, il s’amuse à démonter les contradictions de la vie en faisant même, par moments, des clins d’œil au théâtre de boulevard. Et l’on rit, souvent. C'est peut-être la vraie découverte, une fois l'œuvre désacralisée : l'humour de Jean-Paul Sartre ! Un humour que le metteur en scène Jean-Louis Benoit ne s’est pas privé d’exploiter. Refusant l’approche purement idéologique et théorique de l’argument et des personnages, il définit la pièce comme « simple et brève, violente et drôle, écrite selon une mécanique narrative implacable », dans une intrigue qui se déroule comme dans un polar.
Une pièce intemporelle
La théorie existentialiste ayant perdu de son aura vers la fin des années 80, on a considéré pendant toute une période que Huis clos avait un côté très daté. Jusqu’à ce qu’on se rende compte de son intemporalité. « Si cette pièce, écrite en 1943, est encore représentée et étudiée aujourd'hui, c'est parce qu'elle parle avec force de nous, face à nous-mêmes et au monde », dit J.-L. Benoit. Par ailleurs, dans une époque où bon nombre d’individus deviennent davantage obnubilés par leur image et les commentaires sur les réseaux sociaux que par la réalité, la pièce prend une résonance toute particulière !
Une réalisation de choix
Pour le théâtre subventionné comme pour le théâtre privé, Jean-Louis Benoit s’est « frotté » à toutes sortes d’auteurs, autant classiques que très contemporains, et ses mises en scène ont été saluées, notamment par des Prix Molière, pour leur finesse, l’intelligence de leur approche artistique et leur direction d’acteurs.