André est un aviateur célèbre, amoureux d’une femme qui, apparemment, joue avec ses sentiments, sans méchanceté mais en toute inconscience. Désireux de l’aider, son ami Octave le fait inviter à des festivités organisées dans la propriété de celle qu’il aime et de son mari : partie de chasse, petite fête théâtrale... Dans la légèreté des divertissements, des faux-semblants et des chassés-croisés impliquant maîtres et domestiques viendront troubler les réjouissances. Octave est une sorte de témoin, qui vit à la fois à l’intérieur et en-dehors de ce monde codifié dont il accepte les compromis, sans en être dupe. Mais jus- qu’où peuvent aller les compromis ?

La règle du jeu ?
« Mes personnages sont de simples êtres humains, dit Renoir, ni bons ni mauvais, et chacun d’entre eux est fonction de sa condition, de son milieu, de son passé. Ils suivent la règle du jeu. Il y a une chose terrible sur cette terre : c’est que tout le monde a ses raisons et ces raisons
sont respectables. Mais le monde est un théâtre, la société un spectacle. Chacun peut changer de rôle et on peut aussi abuser des règles du jeu. Et le jeu, comme dans la vie, est tantôt comique, tantôt dramatique.» Cependant, si la règle du jeu, c’est l’art de mettre en évidence une grande illusion, c'est d'accepter de bonne grâce les compromissions, de sauver les apparences au détriment de la vérité des sentiments – au risque d’anéantir tout sens moral – que fait-on ensuite des conséquences ?

Danser sur un volcan
« Un drame gai », c’est ainsi que, selon ses propres termes, Jean Renoir a pensé son film. Partant du canevas et de certains personnages des Caprices de Marianne de Musset, il avait l’ambition d’illustrer cette expression : « danser sur un volcan ». Il s’est également inspiré de Marivaux et deBeaumarchais pour raconter l’histoire d’une méprise dans une société en passe d’être révolue et qui se vautre dans l’insouciance et la vanité. Derrière son aspect divertissant, La Règle du Jeu n’est pas une œuvre innocente. Renoir a voulu dépeindre un monde replié sur des valeurs dépassées, sur un attachement hypocrite à des comportements superficiels, mais sûr de son bon droit et vivant quasimenten autarcie. Et il a voulu en souligner les conséquences potentiellement dévastatrices à travers une sorte de démystification à la fois amusée et grave. Pour Robert Sandoz, metteur en scène et adaptateur, « cette thématique nous intéresse profondément, puisque nous sommes, paraît-il, entre un monde ‹ d’avant › et un monde ‹ d’après › et que nous semblons incapables de cesser de danser ! »

L’outil de la ressemblance et son patron...
La Compagnie L’outil de la ressemblance travaille habituellement sur les adaptations de genre non dramatique : bande dessinée, roman, documentaire, recherches historiques, livres pour enfant... mais elle n’a pas encore exploité théâtralement un film. La Règle du Jeu est donc l’occasion pour elle d’explorer un nouvel univers. Après être passé par l’université et avoir assisté plusieurs metteurs en scène, Robert Sandoz, a fondé sa compagnie en 2005 avec, dit-il, l’objectif de travailler sur « une bonne histoire obligeant à fouiller les limites narratives du théâtre pour mettre les ficelles classiques et modernes au service de ce que l’on raconte. » Par ailleurs, il est le directeur du Théâtre du Jura inauguré en 2021. Son travail, présenté dans de très nombreux théâtres de Suisse romande, a été régulièrement salué par la Critique pour la qualité et l’originalité de ses créations : Le metteur en scène, avec son épatante équipe de comédiens, parvient à faire jaillir non seulement le sel de la comédie, mais aussi tout ce qui frissonne derrière. Le tout avec une invention et une subtilité con- fondante. Divertir, oui, mais en ravivant les couches enfouies d’un théâtre qui, à la faveur d’une vaste mise enabyme, apporte un commentaire philosophique sur l’âme humaine. (La Tribune de Genève)