« A moi Paris », se dit Dorante, tel un précurseur du Julien Sorel du Rouge et le Noir ! Il vient de terminer ses études et débarque de province : à ses yeux Paris est le lieu de tous les plaisirs, de tous les possibles ! Mais encore faut-il y faire sa place, impressionner les garçons, séduire les filles… Pour y parvenir, Dorante s’invente et se réinvente. Il s’embarque dans une ribambelle de faits imaginaires - glorieux bien entendu ! - et revendique son inventivité comme un art. De la suite dans les idées, il en a, du charme et de
la conviction aussi, mais peut-on prévoir les imprévus ? On a beau être convaincu de son talent, on n’est pas à l’abri de tout et, sous les yeux effarés de son valet, précurseur du Sganarelle de Molière, le petit glandeur va se retrouver pris dans un engrenage de mésaventures et de quiproquos…
Corneille comique ?
« Je vous présente une pièce de théâtre d’un style si éloigné de ma dernière, qu’on aura de la peine à croire qu’elles soient parties toutes deux de la même main, dans le même hiver, dit Corneille dans son Epître du Menteur. (…) J’ai fait Le Menteur pour contenter les souhaits de beaucoup d’autres qui, suivant l’humeur des Français, aiment le changement, et, après tant de poèmes graves dont nos meilleures plumes ont enrichi la scène, m’ont demandé quelque chose de plus enjoué qui ne servît qu’à les divertir. » Il est vrai que Corneille est plus connu pour ses grandes tragédies héroïques que pour des pièces légères et divertissantes ! Et pourtant, sur ses 33 pièces, 10 sont des comédies, la plupart tombées (injustement ?) dans l’oubli à part L’Illusion comique, La Place royale et Le Menteur. Mais « comédie » ne veut pas forcément dire « pièce comique », car à l’époque de Corneille, tout ce qui ne correspondait pas à la stricte définition de tragédie était qualifié de comédie. Le Menteur, cependant, est une vraie comédie au sens moderne du terme : elle a été conçue pour faire rire, le ton est léger, libertin, voire insolent, et elle est truffée d’effets comiques provoqués tant par le comportement des personnages que par une cascade d’événements amusants. Et, cerise inattendue sur le gâteau, contraire-ment à la plupart des œuvres théâtrales du XVIIème siècle, c’est une pièce plutôt amorale !
Quoi de jeune ? Corneille ! (L’Obs)
Les grands auteurs ne craignent pas l’usure du temps et supportent allégrement certains arrangements pour autant qu’ils soient conçus dans le respect de l’esprit de l’œuvre. C’est le cas du travail que Marion Bierry a réalisé. Elle a resserré l’action autour de six personnages au lieu de dix et élagué quelques scènes pour nous permettre de suivre de façon plus cohérente des péripéties qui, dans la pièce baroque conçue par Corneille, nous auraient entraînés dans les méandres d’une intrigue parfois trop alambiquée. Et puis, dans son approche pleine de fantaisie et tout en respectant un contexte historique et la beauté de la langue, elle a intégré à notre regard contemporain l’esprit dans lequel Corneille a plongé ses personnages et imaginé leurs mésaventures : un esprit facétieux, baignant dans une satire joyeuse et moqueuse, que Marion Bierry souligne avec un humour truffé de clins d’œil à la culture de notre époque et dans lesquels la chanson et la comé-die musicale deviennent même à propos et bienvenues.