Deux frères se retrouvent après treize ans de silence entre eux. Nés du même père, mais n’ayant pas grandi ensemble, l’un a souffert de son absence, l’autre de sa présence. L’un est pianiste mondialement reconnu, l’autre estartisan-relieur. Lorsque celui-ci arrive avec une valise pleine de lettres, les souvenirs vont ressurgir, mais pas les mêmes pour chacun. Cette valise va agir comme une boîte de pandore : elle va révéler au grand jour des mensonges et des incompréhensions et, en éclatant, la vérité va entremêler la petite histoire et la grande Histoire.
Un duel de chien et chat dans des retrouvailles mouvementées...
Face à l’écriture
Egalement actrice, Isabelle Le Nouvel, a écrit quatre pièces et un roman, très divers au niveau de leur sujet. Elle s’est inspirée de deux faits réels pour cette pièce qui questionne le rapport à l’identité, à l’histoire que l’on construit mais aussi à l’histoire dont on hérite. « J’aime interroger les origines, dit-elle, et la façon dont notre histoire familiale influe sur nos vies et nos choix d’existence, d’une manière souvent inconsciente. C’est une mémoire que l’on transporte, mais dont on ne connaît pas les tenants et aboutissants. J’ai eu envie d’écrire sur les secrets des origines, qui sont parfois un poison s’instillant dans nos vies, à notre insu. » Lorsqu’on lui demande comment, dans son écriture, elle peut passer du drame à la comédie, elle répond : « Je ne suis pas une intellectuelle, mais un artisan qui met les mains dans le cambouis. Ce qui m’intéresse, c’est de tisser les deux matières que sont la langue et les émotions. De façon générale, ce ne sont pas les idées qui me viennent d’abord, mais les mots. » Et elle développe son intrigue par petites touches, amenant le spectateur à une compréhension progressive, car les personnages rebattent les cartes jusqu’au dernier moment.
Pourquoi 88 fois l'infni ?
Parce que 52 notes blanches + 36 notes noires font 88 touches de clavier aux combinaisons infinies. « Chaque être humain a en lui une infinité d’émotions et de chemins à suivre qui sont proches de toutes les combinaisons musicales que l’on peut produire à partir d’un instrument. C’est comme la vie, on peut l’interpréter de tellement de façons différentes » dit le metteur en scène. Et c’est particulièrement vrai des comportements et réactions qui peuvent naître à partir d’une enfance plus ou moins bien vécue et des aléas de l’existence qui chahutent les êtres. Entre les deux frères, les masques vont peu à peu tomber et les révélations seront surprenantes pour chacun, car l’un sait ce que l’autre ne sait pas de lui-même et vice-versa !
Une interprétation au sommet
Ce voyage dans les méandres d’une famille dispersée explore deux personnalités à partir d’une situation bien connue dans les cabinets des psychanalystes : le manque de père, les rivalités, les malentendus. Ce qui est passionnant dans la pièce d’Isabelle Le Nouvel, c’est la façon dont l’intrigue se développe sans tomber dans le pathos, les pistes qu’elle révèle progressivement, l’évolution des personnages. Pour ce ping-pong verbal entre deux êtres si différents, voire antagonistes, il fallait deux « bêtes de scène »pour en exprimer toutes les nuances, les subtilités, les paradoxes. C’est la première fois que Niels Arestrup et François Berléand se retrouvent sur scène. Tous deux témoignent de leur admiration réciproque et sont ravis de cette « confrontation » artistique qui leur permet d’exploiter les nombreuses facettes de leur talent. « Dans cette relation, c’est toujours ce que dit, pense ou fait l’autre qui influe sur ce que vous allez faire ou dire vous-même, dit Niels Arestrup. C’est un numéro de trapèze à deux. Il y a un moment, c’est François qui porte et moi qui voltige et à un autre c’est l’inverse, mais on est toujours dépendants. »